Dogons et nouvelle évangélisation

Une PAROLE NOUVELLE de notre PAPE FRANÇOIS à propos de l’évangélisation ? En France, les mentalités concernant l’évangélisation, étaient que la chrétienté soit considérée comme devant remplacer les cultures et traditions des pays évangélisés.

Était-ce par manque de connaissance de ces cultures ? La parole de notre Pape à ce sujet aux évêques Malgaches est nouvelle, du moins en France: «Les valeurs que le Créateur a insufflées dans votre culture doivent continuer à être transmises en les illuminant de l’intérieur par le message évangélique (cf. note 1 )».

Le Catéchisme de l’Église Catholique écrit au § 522 consacré à la préparation de la venue de Jésus-Christ : «La venue du Fils de Dieu sur la terre est un événement si immense que Dieu a voulu le préparer pendant des siècles. […] Il fait tout converger vers le Christ ; […] Il éveille par ailleurs dans le cœur des païens l’obscure attente de cette venue.»

Les actes des apôtres relatent aussi les saints Paul et Barnabé disant aux grecs : «Ce (Dieu), dans les siècles passés, a laissé toutes les nations suivre leurs voies, sans que toutefois il ait omis de se rendre témoignage à lui-même, faisant du bien, […], remplissant vos cœurs de nourriture et de joie.». Les actes nous montrent Dieu non seulement connaissable par la raison par sa création, mais que « remplissant vos cœurs de nourriture », Dieu agissait dans la conscience des hommes des nations païennes avant l’incarnation de Jésus-Christ, ce qui constitue bien un mode de révélation privée, éveillant l’attente du Christ, bien que de manière obscure comme l’écrit le Catéchisme de l’Eglise Catholique.

De fait, nous allons le montrer ici, se trouvent des traces pré-christiques dans les cultures traditionnelles “animistes”, par exemple en Afrique de l’Ouest. Ici, une antique religion y professe un Dieu unique nommé Amma, créateur du ciel et de la terre… Amma a deux fils appelés les Grands Nommos qui sont des demi-dieux, envoyés en mission par Amma leur père pour la rédemption de la terre. De même pour les chrétiens Dieu le Père a deux envoyés Divins sur terre que sont le Christ et l’Esprit Saint.

Dans le temple du Binou Sangabilou, dans ce sanctuaire de l’actuel Mali se trouve un «crochet de sanctuaire» qui en est l’objet le plus important, et qui signifie une enclume (un autel signifiant par ailleurs la masse). Ce crochet peut être représenté de deux manières, le crochet de sanctuaire, et le crochet à nuages (cf. les deux dessins suivants joints à l’article). Ils sont une analogie du Christ.

 

CROCHET DE SANCTUAIRE : Extrait : «Le crochet est le plus fréquemment double, chaque branche se terminant par un enroulement serré. Il est le front cornu du bélier céleste dont les volutes retiennent les nuages pluvieux.» Pour les chrétiens, le bélier céleste est une représentation analogue au Christ qui est l’Agneau (mâle) de Dieu. Le crochet : «Par ses branches transversales qui sont des bras, il est le symbole du génie...» — «le Génie de l’eau, le Nommo, sous sa forme prestigieuse de Bélier d’or ou de cuivre, dans un lit d’étoiles.» Le crochet représente donc le bélier qui est le Nommo, fils du dieu unique Amma. Ce Nommo est donc analogue au Christ, fils de Dieu et Agneau de Dieu. Ce Nommo est aussi le septième : «Le Septième ne pouvait pas mourir puisqu’il était Nommo», et le Septième, comme le Christ «avait été tué et consommé». Ce crochet «est souvent remplacé par une tige de fer quadrangulaire ou cylindrique de la grosseur du pouce et d’une palme de hauteur, amincie à partir du milieu en tronc de cône terminé par une pointe mousse. A mi-hauteur, cette tige est traversée par une mince pièce de fer plat qui serait comme deux bras étendus latéralement incurvés vers le haut. Chaque branche se termine en s’évasant en une sorte de main aplatie dont les doigts sont figurés par les dents de scie», c’est le (cf. le dessin ci-dessus) :

CROCHET A NUAGES : «Et ces deux bras légèrement relevés ont le même rôle que les mains en volutes des crochets : dans leur courbe, ils retiennent la pluie et les graines nécessaires aux hommes.» Il faut remarquer que le crochet figure soit le bélier céleste, qui est analogue au Christ qui est l’Agneau (mâle) de Dieu, soit une croix se terminant par des mains ! Ce crochet-croix ayant le rôle de donner une boisson et à manger aux hommes, de même que le sacrifice du Christ sur la croix donne l’eucharistie.

De plus, lors de cérémonies religieuses : «le prêtre …, pendant la minute suprême de la consécration, quand il est totalement identifié au Nommo,...» Le Nommo, demi-Dieu fils du Dieu unique Amma son Père, est analogue au Christ, fils de Dieu. Le prêtre est identifié au Nommo pendant la consécration, de même que le prêtre catholique agit dans la personne du Christ Tête ( In Persona Christi Capiti).

 

La «formule prononcée à la consécration» par le prêtre est «Toi, corps du vieil homme, viens et aide !». Le vieil homme est le Lébé : «Il fallait que le vieil homme mourût pour qu’il passe dans le même monde que le Septième et pour permettre la réalisation des desseins de Dieu.» Le septième est le Nommo, fils de Dieu, tué et consommé. «Le Septième et le Lébé (le vieil homme) […], en vertu de la manducation de l’un par l’autre, confondaient leurs forces vitales. […] Leurs âmes se sont jointes et tout en restant distinctes : elles ne se séparent jamais.» Le vieil homme est donc en communion avec le Nommo pour permettre la réalisation des desseins de Dieu. Le vieil homme est donc en communion avec le Nommo dans sa mort, analogiquement à saint Paul expliquant qu’il voudrait «être admis à la communion de ses épreuves [du Christ], en lui devenant conforme dans sa mort» (Ph 3,10).

De plus une arme présente dans un temple du plateau de Wazouba, la lance d’Oro-songo à fer allongé, est considérée comme une variante des crochets : «Sur la pointe de l’arme était fixé un personnage humain d’une demi-palme, en fer forgé, les bras en croix.» Encore une fois ce crochet-croix-lame est analogue au Christ car dans le livre de l’Apocalypse, de la bouche du Christ sort l’épée à deux tranchants (Ap 1, 16), cette épée est la Parole de Dieu (He 4, 12).

Notons qu’il existe encore d’autres analogies entre la religion d’Amma et la religion catholique, la principale étant que les deux Nommos descendent du ciel en mission donnée par leur père Amma pour la régénération (la rédemption) de l’humanité, après un premier péché ayant entrainé l’apparition de la mort : «… l’humanité poursuivait cahin-caha son destin obscur. Or les soifs célestes de perfection n’étaient pas éteintes. Le couple Nommo, qui prenait peu à peu la place de Dieu son père, méditait les rédemptions. Mais il fallait, pour bonifier les statuts humains, conduire les réformes et les enseignements sur les plans humains. […] Il fallait des actes compréhensibles, déroulés au plus près des bénéficiaires, dans leur climat. Il fallait que les hommes, après régénération, soient attirés dans l’idéal comme un paysan dans un champ gras.» Les deux Nommos veulent attirer les hommes dans un idéal, comparé à un «champ gras», de même que le Christ, le bon Berger, et l’Esprit Saint veulent conduire les brebis (les fidèles charitables) aux pâturages (Jn 10, 3).

 

Il existe donc une proximité entre cette ancestrale religion d’Afrique de l’Ouest, et la religion catholique, sachant que par d’autres cotés elle en est différente.

 

Nos extraits sur la religion du dieu Amma sont tirés du livre «Dieu d’eau» (cf. note 2 ), traduit par Marcel Griaule, ethnologue français. On trouve dans l’introduction du livre «Le Renard Pâle» (cf. note 3 ) de Marcel Griaule avec Mme Germaine Dieterlen, l’étendue des peuples adeptes de cette religion ancestrale. Ce sont les Mandingue, les Bambara, les Bozo, les Samogo, les Marka, les Peul, les Dogons et les Kouroumba. Mais, d’après ces ethnologues, les principes de cette unité des sociétés d’Afrique de l’Ouest dépasse le cadre des populations susnommées : ces principes d’unité sont exprimées, au cours d’une cérémonie septennale à Kangaba (actuel Mali), pour 30 familles, dont les Keita et leurs alliés ou apparentés, lesquelles ont essaimé et se sont développées, et auxquelles «sont rattachés non seulement tous les groupes de langue mandingue, Malinké, Bambara, Dyoula ou Kassonkhé, mais encore la plupart des populations du Sénégal, du Soudan, de la Côte-D’ivoire, du Togo, du Ghana, etc.»

Mais cette religion est incomplète par rapport au catholicisme. La différence avec le christianisme est que le corps du Nommo est dit être tué et consommé, mais on ne voit pas ni où ni quand dans cette cosmogonie. Le christianisme décrit l’époque, le lieu, et la personne de l’incarnation de Jésus-Christ, mais pas cette religion. Le Nommo est une figure incomplète du Christ.

Il manque aussi à cette religion la dénonciation du péché individuel, l’aspect sanctification des personnes et aussi la perspective d’un paradis après le retour du Nommo, fils du dieu Amma.

Il manque donc à cette religion l’annonce de Jésus-Christ qui la complète. Qui complète cette religion africaine en évangélisant comme Jésus-Christ le demande : «que le repentir pour la rémission des péchés doit être prêché en son nom à toutes les nations» (saint Luc 24, 47), et aussi «Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé» (saint Marc 16, 16). Cet évangile qu’annonçait saint Jean-Baptiste : «Repentez-vous, car le royaume des cieux a approché. » (Mt 3, 2). Qui la complète par l’annonce que le royaume de Dieu débute par le jugement du Christ qui va venir de manière impromptu séparer les personnes sanctifiés des personnes pécheresses : «[…] les anges sortiront et sépareront les mauvais d'avec les justes,[…]» (Mt 13, 49).

Ainsi la manière d’évangéliser que demande Jésus-Christ est en adéquation avec l’état d’avancement de cette religion d’Afrique de l’Ouest. Leur liturgie est déjà très proche du catholicisme dans ses principes, il leur manque l’annonce de la rémission des péchés et du royaume de Dieu qui approche, seule chose que demande le Christ dans l’évangélisation, avec comme corollaire le baptême.

La proximité de forme et de principe de cette antique religion avec la liturgie catholique peut-elle être considérée comme «insufflée» par le Créateur ? Il semble évidemment que oui. Alors cette nouveauté de parole du Pape François aux Malgaches prend donc aussi tout son sens chez les adeptes de cette religion d’Afrique de l’Ouest : «Les valeurs que le Créateur a insufflées dans votre culture doivent continuer à être transmises en les illuminant de l’intérieur par le message évangélique.»

Cette religion devrait donc être enseignée aux populations d’Afrique de l’Ouest en l’«illuminant de l’intérieur par le message évangélique.», message évangélique de la rédemption possible, qui va de pair avec le message de fraternité (= de sainteté) qui semble manquer justement à cette religion, tout du moins telle qu’elle est transcrite par les ethnologues Marcel Griaule et Mme Germaine Dieterlen. Dans ces descriptions, il manque ce que nous dénommons chez les catholiques la partie « horizontale » de notre religion qui est le rapport pratique entre «frères» qui exprime les relations mutuelles conduisant les pécheurs à la sainteté.

Une meilleure connaissance, par les africains de l’ouest concernés, de leur ancestrale religion serait de nature à les rapprocher culturellement de la foi catholique. Cette connaissance serait donc propice à faciliter une évangélisation aboutissant au baptême catholique. Une meilleure connaissance par les africains de l’ouest de leur ancestrale religion, surtout pour les populations actuellement islamisées qui ont perdu leurs racines culturelles, est donc un moyen d’évangélisation indirect, c’est à dire une pré-évangélisation rejoignant l’identité culturelle profonde de ces populations déracinées au 13ème siècle, où cette islamisation parfois refusée a par exemple entraîné l’exode du peuple malien aujourd’hui appelé Dogon (cf. note 3 ). Une partie des populations de l’ouest africain est enracinée aujourd’hui dans un islam local qui reste syncrétiste vraisemblablement par manque d’adéquation de l’islam à la mentalité historique de ces populations, culture issue d’un passé appartenant à une autre religion que Dieu aurait insufflé dans cette culture ouest africaine pour être adaptée à ces populations afin de préparer la venue du Christ.

Auteur : Arnaud Barbey, amdbb@free.fr, mars 2016

 

Voir une autre étude du même auteur sur le sujet : Un Dieu unique est connu dans toutes les civilisations.

 

Note (1) Lien vers la source sur le site internet du Vatican: Discours du 28 mars 2014 - Aux évêques Malgaches en visite ad limina.

 

Note (2) Lien pour se procurer le livre : Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli.

 

Note (3) Lien pour se procurer le livre : Le Renard Pâle de Marcel Griaule et Germaine Dieterlen.

 

 

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